A-t-on besoin d'un Jupiter ?

Le 30/05/2020

Dans Humeurs

Candidat président, Emamnuel Macron nous promettait d'être un président jupitérien. C'était bien sûr pour faire contraste avec François Hollande, mais aussi par référence à de Gaulle, et parce que c'est sans doute sa nature profonde. Est-ce bien adapté au monde actuel ?


Jupiter


Les rois se prétendaient de droit divin, Emmanuel Macron se veut jupitérien. Il y a un lien évidemment, et la pompeuse cérémonie d'intronisation à la pyramide du Louvre se voulait un sacre.
Tel est le président de la cinquième république, conçu pour le personnage historique qu'était de Gaulle, qui a su, tout seul, crier son refus de la défaite et sa confiance en la victoire finale de la France et de ses alliés. Au personnage hors norme, une constitution hors norme. Et l'élection du président de la république au suffrage universel a conforté encore le premier rôle du président.

Tous ses successeurs ont enfilé avec délice l'habit présidentiel, usant, voire abusant, d'un pouvoir qui n'existe dans aucune autre démocratie.

Malgré son jeune âge, Macron ne fait pas exception, bien au contraire, sa référence au dieu des dieux, Jupiter, le montre clairement. Très cultivé, doué d'une forte intelligence, brillantissime au total, il se voyait planer au-dessus des citoyens, pour les guider vers le bon chemin, comme les brebis suivent le berger, fort de sa conviction de comprendre le monde mieux que tout le monde, et sûr de sa capacité à nous conduire vers le bonheur et la prospérité.

 

Du rêve à la réalité

Las ! Au bout de dix huit mois de pouvoir, le paradis annoncé fait de compétitivité, productivité, rentabilité, mondialisation, se trouve dénoncé par les gilets jaunes, dans une querelle violente accueillie avec sympathie par un bon nombre de français. Il y avait donc des français qui se sentaient au bord de la route, abandonnés, et qui n'attendaient rien, mais rien de rien, du monde si joliment décrit par Macron ! Eux parlaient désertification des campagnes, chômage, précarité, pauvreté, fins de mois difficiles, mépris, désespérance. 

Changement de logiciel pour Emmanuel Macron, qui de défendeur de l'adaptation de la France à la mondialisation, se met à afficher des préoccupations sociales et environnementales.

Et vlan, quelques mois plus tard, une crise sanitaire sans précédent met en lumière les failles de la mondialisation et de la division internationale du travail. Pour éviter la déroute, le mondialiste et entrepreneurial Macron se transforme en protecteur de la nation, dispensant des aides à l'économie à coup de centaines de milliards d'euros, préconisant soutiens sans compter aux entreprises, aux hôpitaux, relocalisations, souverainisme voire protectionisme.

Ainsi le candidat mondialiste qui pariait que la richesse des très riches ruisselerait sur la misère des plus pauvres, en est-il venu à se faire le défenseur des derniers de cordée, à nationaliser de fait nombre d'entreprises, à danser avec les milliards en se jouant des règles de bonne gestion financière qui jusque là interdisaient toute générosité.

 
 

L'objet n'est pas d'apprécier la pertinence des mesures prises, le job a été fait.

Mais de souligner l'inadaptation au monde actuel du centrage de la vie politique d'un Etat sur un seul homme, de qui on peut attendre tout, parce qu'il est présumé qu'il a le pouvoir de tout faire.

Car au bout du mandat, il ne restera presque rien du programme du candidat. Quelques lois certes, mais rien de la vision du monde qui l'a conduit à vouloir diriger l'Etat.

Le tout libre-échange a du plomb dans l'aile, l'obsession du respect de critères financiers est derrière nous, les derniers de cordée se sont révélés sacrément utiles, et les méprisés et oubliés d'hier ont montré qu'une société n'est pas faite que d'énarques et dirigeants d'entreprises, l'inégalité des rémunérations des uns et des autres a éclaté avec violence, le service public a montré qu'il était essentiel à la bonne santé d'une nation.

 

Des valeurs plus qu'une vision

Chaque président voit le monde et la projection qu'il en fait par le prisme de la classe d'où il vient. La réalité impose presque toujours d'autres regards.

Macron a la capacité de ce bouleversement de vision, bien sûr, et il saura faire la synthèse des propositions et conseils qu'il sollicite auprès des plus grands experts.

Mais ne peut-on pas s'interroger sur la pertinence d'un système qui pétend reposer sur la vision d'un seul homme, que l'évolution du monde rendra très vite sans lien avec la réalité ?

 

Machine à désespoir

Dans ce contexte, la personnalisation du pouvoir telle qu'on la vit en France est d'un autre âge. Elle laisse à penser que le président peut tout, et que tout est de sa faute quand ça va mal. Cela génère le rêve, l'irresponsabilité, le désespoir aussi. Cela affaiblit la démocratie en rendant inutile la recherche du consensus. Si on ajoute à cela l'immense ambiguïté causée par la dualité des pouvoirs entre président et premier ministre, le temps est venu de passer à autre chose.

Dans deux ans, les nouvelles présidentielles vont encore voir surgir des hommes et des femmes qui se proclameront providentiels, nous faisant croire qu'ils ont tout compris de la complexité du monde, nous promettant tout et son contraire, comme si tout était possible.

Les nantis ne le croiront pas, qui n'attendent rien précisément du pouvoir. Mais les autres qui ont besoin d'y croire y croiront, alimentant le flot des déçus, qui deviendront des révoltés désespérés.

Le super président est une machine à désespoir.  

Il faut que la France modifie sa constitution, pour que le pays cesse de croire tous les cinq ans à l'arrivée d'un messie président tout puissant, de qui viendra tout le bien et aussi tout le mal.

C'est stupide, et totalement inadapté au monde d'aujourd'hui, ouvert, connecté, et d'une complexité infinie.