Ca y est, Martin Bouygues renonce, il succombe au chant des sirènes. Il vend son cher bébé Bouygues Télécom, celui-là même qu'il avait créé pour montrer à son papa Francis qu'il n'était pas qu'un héritier. Il est vrai que 10 milliards d'euros, ç'est tentant.
Ce sera une bonne affaire pour quelques uns.
Pour les actionnaires et l'élite dirigeante en premier lieu, qui vont enregistrer de belles plus-values sur les titres qu'ils ont en propriété ou dans des plans de stock-options. La petite fortune que vont acquérir les cadres sup, prix de leur soumission, leur permettra de digérer leur boulot sccagé ou supprimé.
Pour la bien pensance financière ensuite, banquiers conseils qui vont engranger plusieurs centaines de millions de commissions, traders qui jouent sur les cours depuis des semaines, presse financière qui se régale de cet aspect people de la réalité économique.
Ce sera une catastrophe pour le plus grand nombre.
Pour les clients de Bouygues d'abord, sur qui pèsera la charge de payer, in fine, les dix milliards en question. Gains de productivité, allègement des structures, hausse des tarifs, vont être mis en oeuvre, avec en final un service de moindre qualité et plus onéreux.
Pour les salariés de BT ensuite, qui vont subir les gains de productivité qui vont être imposés par Orange pour payer ces mêmes dix milliards. Il n'y aura sans doute pas de licenciements secs, mais une baisse de l'interim et le non renouvellement des partants naturels et en retraite. Un plus un est toujours inférieur à deux en matière de fusion, dont l'éconmie même repose sur les économies d'effectifs.
Celles-ci devront être d'autant plus grandes qu'on peut s'attendre au départ de clients de BT vers d'autres opérateurs. BT n'était pas le meilleur, ni le moins cher. Mais dans la bonne moyenne et avec un bon service après-vente. La menace qui pèse sur la pérénité de sa qualité incitera nombre d'entre eux à changer d'opérateur sur le seul critère du prix.
Un plus un ne fera pas deux non plus en terme de chiffre d'affaires, c'est peut-être l'avenir de la marque BT qui est en survie, et ce sont les salariés qui trinqueront, encore et encore.
Pour les salariés encore, ceux de BT, car on connait la faible considération qu'ont les entreprises acheteuses vis à vis des entreprises achetées. Démissions, démobilisations, placardisations, sont à attendre dans les semaines qui viennent.
Opération sans valeur ajoutée.
Les premiers diront que la vente était inévitable, que BT seul n'était pas viable, qu'un "adossement" était la condition de la survie de BT. Balivernes ! Ce sont toujours ces mêmes arguments qui sont avancés pour justifier ces opérations dont le seul intérêt est de remplir les poches d'une minorité dirigeante. BT seul n'aurait pas pu être n°1 de son secteur. Oui, et alors? Faut-il être le premier de son secteur pour survivre? Evidemment non. Alors même que le secteur était occupé par trois majors, FREE est arrivé et a fait son trou. Il ne sera pas n°1, mais gagnera de l'argent, tout comme BT l'a fait et l'aurait fait.
Ces opérations sont sans valeur ajoutée, elles n'apportent rien à l'économie. Leur seul but est d' enrichir les actionnaires. En final, il y aura moins d'emplois, un service plus cher et de moindre qualité.
Révolte
Quand BNPP a lancé son OPA sur la Société Générale, le personnel de la banque rouge et noire s'est révolté, a défilé partout en France, a crié son hostilité à l'opération, arguant des pertes d'emplois, de la destruction de valeur qu'elle aurait entraîné, d'une fusion de cultures impossible. Et il a eu gain de cause, BNPP a renoncé.
Que le personnel de BT se lève pareillement ! N'est-ce pas un abus de droit qu'un président et des actionnaires gérants de fonds aient tout pouvoir sur le sort de milleurs de salariés, qui ont fait l'entreprise par leur travail? Pendant que quelques uns brasseront leurs millions, d'autres connaîtront le stress, le chômage, la peur, la démotivation, les vexations, le sentiment que tout leur travail n'a servi à rien.
Ces opérations financières sont le pire du capitalisme, elles broyent les hommes, causent ce rejet de la Société néo-libérale qui se diffuse à grande vitesse. La démocratie politique doit être complétée par une démocratie économique. L'avenir de nos démocraties en dépend.