L'aveuglement des grands patrons

Le 15/10/2022

Dans Humeurs

Ce qui se passe chez TOTAL est révélateur de l'autisme qui frappe nombre de directions de grandes entreprises.

TOTAL est de longue date une entreprise largement bénéficiaire, profitant de la hausse structurelle des produits pétroliers sur le marché international. Le blocus imposé à l'Iran et la collusion Opep / Russie entraînent une hausse des cours très favorable aux producteurs.

Avec la guerre en Ukraine, les cours s'emballent. Si bien que sans rien faire, les profits de TOTAL explosent. 
Dans ce contexte, la rémunération globale du président Patrick Pouyanné a augmenté de 52%, pour atteindre six millions d'euros en 2021 (sans compter les multiples jetons de présence qu'il doit toucher en France et à l'Etranger). Et de poursuivre sa généreuse politique envers les actionnaires en décidant une augmentation annuelle de 5% en 2022, portant le montant versé à 2,6 milliards d'euros, auxquels on peut ajouter deux milliards au tire de rachats d'actions. 

Et les salariés?

En pdg autiste et égoïste, il n'a pas pensé à augmenter les salaires. C'est trop bête. Nul doute que les cadres ont eu une part du gâteau, au moins en parts variables et distribution d'actions! Mais les autres ?

Rien, rien du tout. Le PDG hyper-diplomé et formé aux cabinets ministériels ne l'avait pas jugé bon, si tant est que la question ait atteint son cerveau.

Et voilà le résultat : des grêves qui bloquent des millions de français et risquent de s'étendre à d'autres secteurs économiques, dans une période de grande instabilité. 

 

Patrick Pouyanné a une belle assurance, il est habitué aux prises de position clivantes en opposition avec les recommandations gouvernementales. Fort de son intelligence certainement très brillante et de sa postion de PDG tout puissant, il peut être tenté de se croire au-dessus des lois. Et du haut de sa tour, il ne voit plus les milliers de salariés "petites mains" qui dans l'ombre contribuent eux aussi à la prospérité du Groupe.

Pourtant les crises des gilets jaunes puis du Covid ont montré toute l'importance de cette France d'en-bas, que celle d'en haut ne voit pas. La preuve, une poignée de grèvistes dans une raffinerie, et la pénurie d'essence s'installe dans toute la France.

Pourtant un nombre croissant d'entreprises sont dans l'impossibilité de recruter faute d'attractivité des salaires qu'elles proposent. Mais le pdg de TOTAL ne veut rien voir.

 

Cela fait des années que les politiques salariales des entreprises ont radicalement changé, depuis qu'au début des années 90 les révalorisations globales des salaires ont laissé place aux révisions individuelles centrées sur le seul mérite.
A ce jeu-là, seuls les cadres ont vu leur pouvoir d'achat augmenter, les non-cadres voyant leurs rémunération courir péniblement derrière la faible inflation. 

Parallèlement les importations venues d'Asie ont explosé, dopées par des prix bas qui ont augmenté le pouvoir d'achat en même temps qu'elle envoyait au tapis une bonne partie de l'appareil de production français.

Mais la donne a changé, la mondialisation est remise en question, la souveraineté nationale et européenne redevient une nécessité, le "produire local" est mis en avant.

Mais la hausse des prix qu'il entraîne va remettre au premier plan le nieau des salaires de la population industrieuse non-cadre. Sans inversion des politiques salariales, des pans entiers de l'économie seront dans l'incapacité de produire biens et services, d'autant que l'immigration, elle-aussi passée de mode, ne pourra pas combler les emplois rejetés par les français. 

 
 

Les pdg et dg des grandes entreprises sont-ils prêts à cette inversion de politique ?

D'origine bourgeoise pour la plupart, passés aux moules des grandes écoles, formés à la culture de la politique et des réseaux dans les cabinets ministériels, ne connaissant bien souvent rien de l'entreprise en général ni de celle dont ils sont parachutés dg ou pdg, gouvernant via un petit cercle de courtisans, obnubilés par le cours de l'action et l'opinion du marché, les dirigeants des grands groupes sont bien loin d'appréhender la réalité sociale de l'entreprise. 

Pourtant une des grandes questions qui va se poser dans les années qui viennent risque bien d'être celle de la répartition de la richesse.
Aujourd'hui, l'Etat fait des chèques à tout va. Mais la solution n'est pas là. Le travail doit permettre de vivre, quelque soit la tâche, et nos patrons devront se libérer de l'esprit de classe et de caste pour aller dans ce sens.

Ce n'est pas gagné.