Comment des catholiques, réputés bien pensants, en principe méfiant à l'égard des choses de l'argent, à cheval sur la morale et la justice, peuvent encore soutenir un candidat au sourire perpétuellement narquois qui affiche dans ses pratiques de vie une cupidité à l'opposé de l'austérité qu'il demande pour ses concitoyens? Comment des militants d'extrême droite présumés avides de justice et d'ordre, qui n'ont de cesse de clamer que tout est pourri dans le royaume de la France, ne sont pas choqués de voir que leur parti chéri agit de la même façon que les partis honnis?
Ce comportement des partisan comporte quelque chose qui n'est pas sans rappeler celui des intégristes de tous bords, fanatiques aveugles aux débordements de leurs idoles. Des gens réputés intelligents et justes deviennent incapables de reconnaître des faits, et donc de modifier leur jugement. Aucune preuve ne trouve grâce à leurs yeux, une folle théorie complotiste leur permet de ne pas voir la réalité qui dérange. Et aucun esprit éclairé et temporisateur n'est à même d'infléchir le sentiment que leur idole, loin d'être coupable de quelque chose, est la victime d'un système hostile et malhonnête.
L'explosion des réseaux sociaux a donné la parole à des gens qui jusque là en étaient exclus, car n'accédaient pas aux médias oraux et écrits. Aujourd'hui, forums, blogs, facebook et twitters ont ouvert les portes à tous. La liberté a trouvé sa contrepartie en une explosion parfois nauséabonde d'approximations, contre-vérités, erreurs historiques, fausses informations, jugements à l'emporte-pièces souvent haineux et injurieux, parfois appelant à la violence, opinions présentées comme des vérités. Tout le monde peut trouver son compte dans un galimatias de bêtises, et chacun peut trouver sa bonne conscience en découvrant que d'autres partagent leurs idées.
La face négative de Facebook et autres Twitters est l'abaissement généralisé de la réflexion et de la profondeur d'analyse. Un imbécile tout seul peut se sentir faible, mais il est réconforté quand il voit que des milliers d'autres partagent son point de vue. C'est la revanche du "petit blanc" qui rejette aujourd'hui ces élites pensantes cultivant leur entre soi, indifférentes au sort des millions de personnes qui ne sont pas de leur monde.
Cette évolution est particulièrement inquiétante, rien de plus dangereux que l'ignorance et l'aveuglement. Sans esprit critique, il n'y a pas de liberté de penser, il n'y a que celle qui voit la paille dans l'oeil de l'autre, mais pas la poutre dans le sien.