La chute de l'euro -moins 30% par rapport à son cours plafond - et celle du pétrole - moins 70% - auraient dû doper nos exportations. Cela a été vrai pour l'aéronautique et l'automobile. Pour le reste, effet néant.
Le Médef ne cesse de mettre en avant la baisse de compétitivité que font subir aux entreprises les charges sociales, les minima salariaux, et une réglementation sociale trop protectrice. Il passe pudiquement sous silence l'énorme coup de pouce apporté par la chute de l'euro et du cours du pétrole, maintes fois mis en avant pourtant pour expliquer les contre-performances des entreprises françaises quand l'euro était fort et le pétrole en hausse continue.
Si un peu de souplesse et une réduction des charges restent un objectif à se fixer, ne nous leurrons pas. Elles ne pourront jamais avoir un impact aussi fort qu'auraient dû avoir les baisses de l'euro et du pétrole. Alors?
Alors d'abord, une grande partie de l'industrie française a disparu ces trente dernières années, balayées par l'ouverture des marchés, européens puis mondiaux, et par un euro voulu fort par les politiciens et techocrates européens qui pensaient qu'un euro fort conduirait à une économie forte. Ils avaient oublié que c'est une économie forte qui crée une monnaie forte, et pas l'inverse. Textile, habillement, chaussure, métallurgie, mécanique, machine-outil, aluminium, informatique ... il ne reste plus grand nombre d'entreprises dans ces secteurs, voire pas du tout, et la France est absente des nouveaux secteurs.
Ensuite, l'entreprise française est traditionnellement frileuse à l'exportation depuis toujours. Les trente glorieuses font rêver les plus jeunes, qui ignorent ou ont oublié qu'elles l'ont été parce que tous les trois ans il fallait recréer de la compétitivité en dévaluant le franc. Ce qu'on appelait la "dévaluation compétitive". Cela marchait parce qu'il y avait encore une industrie. Cela ne marche plus quand la friche industrielle a remplacé l'atelier. Par elle-même, l'entreprise française n'a jamais su exporter comme ses voisins allemands ou anglo-saxons. Le manque d'ambition et d'audace confine nombre d'entrepreneurs à plafonner leur croissance, et partant, à confiner leur périmètre d'action à l'hexagone. Et les grandes entreprises exportatrices n'ont jamais su ni volu non plus entraîner dans leur sillage leurs sous-traitants francais petits et moyens, complexe de supériorité oblige.
Dès lors, c'est moins la compétitivité qu'il faut rétablir qu'un état d'esprit entrepreneurial pour relancer la création d'entreprise et leur croissance, créer une mentalité exportatrice, faire en sorte que les grandes entreprises considèrent de leur responsabilité d'entraîner avec elles leurs partenaires français de taille plus modeste.
Ce n'est pas un programme politique sexy, les résultats annuels seront peu visibles et pas attribuables à un ministre ou un président. C'est une action sur le long terme, bien au-delà des mandats des députés et ministres et présidents.
Annoncer le doublement des dépenses de formation, même si tout le monde sait que que les actions actuelles sont déjà sans efficacité aucune, est infiniment plus médiatique. On continuera donc à faire du vent, le chômage continuera son bonhomme de chemin haussier, le tissus industriel poursuivra son délitement, les déficits commerciaux s'accumuleront. Jusqu'au jour où rester dans l'Europe ne sera plus possible. La France sera alors seule en face d'elle-même et de sa misère industrielle.