Sauver la démocratie

Le 20/08/2022

Dans Humeurs

Democratie
Partout dans le monde la démocratie est mise à mal, les élections y sont boudées, les pouvoirs sont bousculés, les régimes autoritaires sont perçus avec indulgence. Le capitalisme débridé de ces trois dernières décennies n'y est pas étranger. 

Une participation aux élections en chute libre

L'augmentation du taux d'abstention aux élections est le reflet le plus marquant de la décrédibilisation des politiques.

Pas loin de 60% des électeurs ne se sont pas déplacés lors des dernières élections législatives (graphique à droite), faisant de l'ensemble des députés des personnes mal aimées et mal élues. La Vème République a été construite contre la représentation nationale après les déboires des régimes parlementaires précédents. Avec un président fort, un Premier Ministre responsable seulement devant lui, et une Assemblée élue avec un système éléctoral qui vise à donner la majortié au parti du Président, l'exécutif a pris le pas sur le législatif, rabaissant l'image  de députés soit à un rôle de contestataires irresponsables, soit  de "godillots".
Ainsi, une part croissante de la population ne croit plus que les députés sont la représentation du peuple, et cherche  d'autres moyens d'expression via les réseaux sociaux, les manifestations violentes, les occupations de sites (ZAD), les grèves ...

Comment en est-on arrivé là ?

Le libéralisme économique a toujours existé, en tous lieux et en tous temps, mise à part la parenthèse communiste soviétique. Mais il a pris une tournure bien différente à partir des années 90 quand le capitalisme s'est internationalisé et financiarisé. Terminés les contrôles des changes, les droits de douanes, le contrôle des investissements, les limites à la circulation mondiale des capitaux, des personnes, des biens.

Bienvenus aux actionnaires, et à la création de valeur - terme plus respectable que hausse du cours de bourse - comme objet premier de motivation. Il faut désormais faire des profits pour distribuer des dividendes et pousser encore et toujours le cours de l'action à la hausse.
Priorité aux économies de coûts par la délocalisation à l'étranger, entraînant chômage, stagnation des salaires pour les salariés autres que les cadres, perte de souveraineté et des savoirs. Priorité aux investissements de productivité "économisant" des effectifs.
Pour maintenir le cours à la hausse, on peut distribuer jusqu'à la moitié des bénéfices, on peut racheter ses propres actions, verser des dividendes en l'absence de bénéfices, sacrifiant l'avenir.
On nomme des dirigeants au service du cours de l'action, les cost-killers sans états d'âme du type Carlos Ghosn sont les plus recherchés, financier hors sol qui n'a pas su empêcher Renault de rater la vague du SUV!  Pour les faire adhérer aux nouveaux paradigmes, on assied une part importante de leurs rémunérations sur les actions, stock-options ou gratuites, et les résultats, bonus ou parts variables.

 

Ce capitalisme financier  a généré un très fort sentiment d'injustice chez tous ceux, les plus nombreux, qui n'ont pas profité de la manne capitaliste. 

Ce sont tous les salariés dits non qualifiés, c'est à dire sans diplôme, qui voient leurs rémunérations stagner, leurs emplois menacés, leur reconnaissance inexistante. Ceux-là échappent aux augmentations de salaires, aux distributions d'actions, ils sont les premières victimes des plans sociaux générés par les délocalisations et fusions, et ils sont les premiers à devoir supporter la pression de la course sans limite à la productivité.

Et comme tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont cru bon d'appliquer au secteur public les principes de la gestion capitaliste, la majorité de salariés, publics et privés, se voit aujourd'hui en manque de revenus et de considération.

Eviter le pire

Cette majorité-là ne croit plus dans la politique pour apporter le changement auquel elle a droit. Il y a quelques décennies, elle mettait ses espoirs dans les syndicats et les partis de gauche, parti communiste en tête. Ces raisons d'espérer sont éteintes aujourd'hui, la revendication a fait place à la lutte anti-système pour abattre un monde de dirigeants jugés "tous pourris", profiteurs, égoïstes. 

C'est la faillite de nos démocraties que d'avoir laissé la bride au capitalisme et aux envies de puissance et de richesse aux plus cupides d'entre nous, et d'avoir ainsi permis que la courbe de la marche lente vers plus de justice sociale se soit inversée à partir des années 2000.

On a oublié que la plupart des révolutions ont pour objet principal des revendications sociales. C'est le prix du pain qui a soulevé les français en 1789, pas l'élection de députés au régime universel ni l'envie de république.

En méprisant financièrement et socialement les travailleurs qualifiés péjorativement de non qualifiés, c'est le fonctionnement de l'économie qui est mis en danger, privée comme publique

En n'écoutant pas la masse des travailleurs qualifiée de non qualifiée, on tue son espérance d'une amélioration de sa condition, et sa foi dans la politique et la démocratie. On sait bien pourtant, surtout après la crise sanitaire, qu'un pays a besoin de travailleurs peu ou pas qualifiés autant que de ministres ou pdg, et que des infirmières ou des caissières en grève font plus de mal qu'un pdg qui va jouer au golf. Or lui fait fortune, a portes ouvertes dans tous les palais de la république, a les réseaux qu'il faut pour parer à toute situation, tandis que les premiers ont leurs yeux pour pleurer.

Il est temps que les politiques et dirigeants des entreprises ouvrent les leurs afin que plus de la moitié de la population reprenne goût à la démocratie, et que le pire soit ainsi évité.