Emmanuel Macron voulait une clarification. Le résultat est le retour aux pires moments de la république.
Déroute limitée pour le Président
Fort d'un super ego, Emmanuel Macron peut être en droit de penser que les résultats du deuxième tour lui donnent raison, et que l'éclaircissement voulu est bien arrivé.
Un point positif de cette élection, il n'aura pas à siéger en Conseil des Ministres face à Jordan Bardella. Cette vision de cauchemar pour le président s'efface.
Un autre est que le fameux front républicain existe bien toujours, et que les désistements des candidats ont été suivis par les électeurs. Et si au total, le Nouveau Front Populaire décoche la première place, la majorité présidentielle n'est pas très loin derrière, et constitue même avec LR le bloc le plus important. La déroute annoncée n'a pas eu lieu, la macronie existe toujours, et reste en position pour espérer animer le ou un des prochains gouvernements.
Enfin, si Emmanuel Macron sort affaibli de ce périple électoral, le score de sa majorité sauvegarde son image à l'international. Il pourra se vanter d'avoir fait battre l'extrême droite. Au moins pour un temps.
Un gouvernement introuvable
Mais le paysage politique s'est particulièrement assombri, comme jamais dans la Vème république. C'est le retour des crises et de l'impuissance des républiques précédentes.
Aucun bloc ne dépasse un tiers des sièges, alors même que lesdits blocs sont loin d'être homogènes tant sur les idées que sur les valeurs.
Le miracle du Nouveau Font Populaire a eu lieu, et c'est lui qui sort vainqueur de ces élections. Mais avec 30% des sièges environ (et 28% des voix), ce mariage de la carpe et du lapin a peu de chances de déboucher sur un accord gouvernemental, seul ou en lien avec d'autres. C'est une chose d'afficher la volonté d'un smic à 1600 € net, c'en est une autre de l'imposer à des entreprises qui n'en ont pas les moyens. C'est une chose de fanfaronner sur le retour de la retraite à 60 ans, c'en est une autre de l'appliquer alors qu'il y a 50 ans, on partait en retraite à 65 ans quand l'espérance de vie tournait autour de 72 ans, contre 82/87 aujourd'hui. Et comment gérer l'Europe avec un PS et des écolos qui en sont des chauds partisans, et LFI qui freine des quatre fers.
Comment imaginer un accord ENSEMBLE et LR, quand ce dernier n'a toujours pas digéré la volonté originelle de Macron de l'absorber, engendrant une haine quasi viscérale du LR à son égard, comme l'illustrent les propos de Bertrand ou Wauquiez par exemple.
Sans oublier que les présidentielles sont au bout du chemin, et que les prétendants ne voudront rien faire qui risquerait de contrarier ce qu'ils croient être leur destinée.
Un boulevard pour le RN en 2027 ?
On va oublier que 33% des votants ont voté pour le RN, qui en fait de loin le parti préféré des français. De négociations en négociations, de tambouilles en accords introuvables, on va oublier ce message fort du peuple, justement rappelé par François Ruffin : les partis traditionnels ont perdu l'adhésion de la France des ouvriers et des salariés modestes, broyés par des salaires qui permettent de survivre, pas de vivre, des conditions de travail souvent insupportables sous l'effet des pressions à la productivité et de la menace permenente de perte de leur emploi liée aux plans sociaux à répétition, délocalisation, sous-traitance ... Le patron de la CPME reconnaît sur l'antenne de France Info que le smic ne permet pas de vivre, mais il ne propose rien d'autre que l'acceptation de la misère pour ceux qui lui permettent d'être riche.
Le sentiment d'insécurité reste fort, et une immigration mal gérée transforme certains quartiers voire communes en places étrangères, parfois de non-droit, ce que les élus et décideurs de tout poil ne perçoivent qu'intellectuellement car ils n'y vivent pas.
Les trois années qui viennent n'apporteront rien de nouveau sous le soleil des plus pauvres. Les patrons d'entreprises, de toutes tailles, resteront braqués sur leurs profits et leur priorité à la compétitivité. La classe politique va être accaparée par les ambitions des individus et des partis dans l'attente des présidentielles et d'une éventuelle dissolution de la chambre qui vient d'être élue. Le ou les gouvernements seront bloqués par des majorités introuvables, tout autant que par des finances déplorables, des marchés aux aguets, et un contexte international politique et économique compliqué.
Cela pourrait constituer un boulevard pour un succès du RN aux présidentielles de 2027.