La plus grosse partie de l'électorat du FN se trouve dans les classes populaires. Voilà qui devrait amener à des remises en cause existentielles de tous les partis politiques traditionnels et des dirigeants du monde économique, d'entreprises notamment.
Depuis des années, l'explosion du capitalisme intégriste a exclu de l'accroissement de richesses les personnes appartenant aux catégories sociales des ouvriers, employés, voire cadres moyens. Ce sont eux qui ont été et sont sacrifiés à l'autel du profit et de la course à la productivité qui va avec. Ce sont eux qui ont supporté et supportent encore les affres des restructurations des grandes entreprises, voulues par des fonds de gestion ou banques d'affaires qui ne recherchent que leur profit propre. C'est sur eux que pèse et a pesé la rigueur salariale, alors que les élites dirigeantes ont vu exploser leur rémunération et les juteux a-côtés que sont bonus, stock-options, parts variables, parachutes dorés. Ce sont eux qui doivent se résigner à la précarisation de leur statut, et renoncer aux CDI pour des contrats précaires, même pas toujours à plein temps.
Les politiques regardent de loin et a posteriori ces évolutions qui gâchent la vie, degoûtent du travail, démotivent. Ils sont impuissants à empêcher quoique ce soit, parce que c'est ça ou pas d'embauches, c'est ça ou la survie de l'entreprise qui en dépend, même si ce n'est presque jamais vrai.
Depuis une bonne décennie, les entreprises se désintéressent de leurs salariés non cadres, qui ne se sentent plus récompensés de leurs efforts.
Le système capitaliste mondialisé s'est emballé, il n'est plus contrôlé par personne, pas même par les dirigeants d'entreprises, enfermés dans une bulle qui les rend autistes à tout ce qui n'est pas augmentation du profit.
Les partis politiques n'ont pas vu tout de suite cette évolution catastrophique. Pire, ils l'ont involontairement encouragée en fondant la prospérité future du monde sur la liberté mondiale de commercer. Erreur immense, qui a accéléré la désindustrialisation de la plus grande partie de l'Europe. Seule l'Allemagne a résisté.
Aujourd'hui, sans remise en cause du système économique, le poids de l'action politique est bien faible. A droite comme à gauche, l'action politique est devenue impuissante.
Le Front National est le seul qui propose une rupture avec le système économique actuel. Sortie de l'euro, limitation de la liberté de commercer, augmentation forte du smic. Il ne dit pas comment il fera, ni ne décrit les conséquences. Mais les classes populaires sacrifiées depuis des années s'en fichent. Elles n'ont plus rien à perdre, n'espèrent plus rien des politiciens traditionnels, elles sont prêtes à faire le pari.
Ce qui se passe en France se voit aussi à l'étranger, au Danemark, en Angleterre, en Italie, en Pologne, en Hongrie. Partout l'extrême droite progresse vite, l'opposition au système économique dominant se généralise.
Le défi des dirigeants politiques et économiques est majeur.
Pas sûr qu'ils en aient vraiment conscience, incapables qu'ils sont de se remettre en cause. Leur ego souvent surdimensionné leur interdit. Si on veut éviter que l'Europe se "fascise", il faut que la société s'humanise, que l'homme reprenne le centre, au lieu et place du profit et son appropriation par un tout petit nombre. Il faut que les dirigeants cessent de nous faire croire que la paupérisation du plus grand nombre est la condition de survie des entreprises, surtout quand eux-mêmes se rémunèrent luxueusement. Il faut que les dirigeants politiques s'attachent de nouveau à l'amélioration de la condition des classes populaires. Le contrôle de gestion ne doit plus être l' acteur décisionnaire principal des choix.
Seulement, le monde politique est aujourd'hui en état de choc. Il est probable que la France allergique à l'extrême droite se mobilisera au second tour, et que les partis classiques conserveront leurs pouvoirs dans toutes les régions. La peur de la semaine sera oubliée, chacun se félicitera de sa stratégie gagnante, et les errements et égoïsmes passés se poursuivront. Il est probable que les grandes entreprises continueront à n'avoir d'oeil fixé que sur la hausse de leur taux de profit et les dirigeants sur leurs bonus et stock-options.
Dès la semaine prochaîne, tout sera redevenu comme avant.
Jusqu'à l'inévitable.