La fin du rêve?

Le 08/02/2016

Dans Humeurs

Après le choc des deux guerres les plus meurtrières de l'histoire, l'Occident, KO debout, a connu une trentaine d'années tendant à une humanisation du monde, paix relative, progrès social, qualité de vie, semblant sur une courbe haussière à même de faire croire en des lendemains qui chantent. On déchante aujourd'hui. Mais demain?  

Le rêve déchu des trente glorieuses

Après les terribles carnages des deux guerres, le "plus jamais ça" a fait longtemps croire que les hommes avaient enfin compris! La décolonisation est venue, douloureusement parfois, l'ONU semblait à même d'imposer la paix, la guerre froide remplaçait celle des balles, la fin du communisme semblait ouvrir une longue ère de paix, certains ont pu croire à la "fin de l'histoire" annoncée par Fukuyama, la libéralisation des échanges mondiaux devait privilégier le commerce à la guerre, les pays de l'Europe étaient tous tous unis dans un projet de grande union.
Tout au contraire, la guerre est venue à l'intérieur même de l'Europe, le Moyen-Orient s'est enflammé, comme l'Afrique, le nombre de victimes se chiffrant par centaines de milliers, sans qu'on puisse entr'apercevoir la fin de la boucherie, l'Europe est à la limite de l'explosion et ne fait plus rêver personne, le libre-échange a accéléré la désindustrialisation des pays les moins forts, Poutine en Russie est prêt à tout pour recréer la puissance de la grande URSS.

 

 

Dans les années 50 et au-delà, le progrès social paraissait un objectif à atteindre. Sous l'effet d'un pouvoir syndical fort, trop fort peut-être, le pouvoir d'achat a régulièrement progressé comme les conditions de travail. Le plein emploi était quasi assuré.
Depuis dix ans, le pouvoir d'achat de la classe moyenne régresse, la précarisation s'installe avec des petits boulots sous-payés, des emplois de stagiaire ou d'intérim précaires, des licenciements massifs sous l'effet de la désindustrialisation et de la libération de la réglementation. Même le smic est remis en question. Partout, et même aux EU, la classe moyenne s'interroge sur son avenir et a peur pour le futur de ses enfants.
L'Occident a porté haut la valeur de la démocratie. Même si la "réal politique" n'a pas interdit le soutien à des régimes autoritaires et corrompus, la démocratie a longtemps été pensée comme l'objectif à atteindre par tous les pays.
Aujourd'hui, plus personne ne croit cela après l'anarchie assassine qui a succédé aux régimes autoritaires en Irak, Libye, Egypte ... Même en Europe, le populisme la menace, et certains pays comme la Pologne ou la Hongrie menacent de basculer dans l'autoritarisme.

Depuis le XVIIIème s., on avait foi dans le progrès technique, qui devait apporter confort et assistance, en débarrassant les gens des tâches les plus ingrates. Automobile, avion, fusée, téléphone, télévision, électro-ménager, étaient là pour faciliter et enjoliver la vie.
Aujourd'hui l'accélération du progrès technique bouleverse les modes de vie à un rythme insensé, débouchant trop souvent sur des inventions plus profitables à leurs créateurs qu'enrichissantes pour le consommateur. Surtout, l'ère du numérique qui s'ouvre annonce aussi des millions d'emplois supprimés, pour infiniment moins de créations. Pour la première fois, le doute s'installe sur la pertinence d'innovations dont la mise en place n'est maîtrisée par personne, surtout pas par les gouvernants qui ne peuvent que tenter de colmater les brèches.

L'avenir a toujours fait peur

A toutes les époques, les anciens ont eu peur de l'avenir, déboussolés qu'ils sont de ne plus reconnaître le monde dans lequel ils ont grandi et prospéré. Sauf qu'aujourd'hui, il ne se trouve plus beaucoup de gens pour croire en l'avenir, si ce n'est les élites de la science et de la finance. Ainsi aux EU, pays plutôt optimiste et confiant en son avenir, on assiste à l'angoisse de la classe moyenne, qui a nécessité qu'Obama pose la question dans son discours de janvier sur l'état de l'Union : "comment faire en sorte que la technologie marche pour nous et non contre nous"
Personne n'a la réponse, et malheureusement cette question essentielle n'est débattue par personne. Les seules voies de l'allongement de la durée du travail ressassée par le Médef et le doublement des dépenses stériles de formation ne peuvent être la réponse aux enjeux.

Il faut redonner du sens

Mettre l'homme au coeur le l'action humaine pour remettre du sens.
Le profit avec ses serviteurs que sont la productivité, la compétitivité, la performance, ne peuvent pas être les seuls moteurs de l'activité des hommes. L'éthique s'est récemment introduite dans les entreprises et les gouvernements. Voilà une raison d'espérer. Mais le chemin est si long, quand on voit que les dirigeants d'industries polluantes et tueuses d'hommes refusent même d'être interrogés par des journalistes. Circulez, il n'y a rien à voir. Le capitalisme règne aujourd'hui en maître, défie les Etats.
Le capitalisme triomphant mène le monde tambour battant, à coup de rachat d'entreprises, gouvernances planétaires, gains de productivité excluant l'homme au profit des machines ... Il n'y a sans doute pas d'alternative au libéralisme économique, mais au capitalisme qui le dénature et broye les hommes, il faut espérer que si.  
Les puissants ne doivent plus concevoir leur politique étrangère dans leur intérêt principal, mais dans celui du monde. Alors qu'il a été le plus guerrier, conquérant et génocidaire, l'Occident a voulu se transformer en donneur de leçons. On en voit le résultat.  
Est-il trop tard?
Il n'y a plus d'idéal, le monde fait l'effet d'une machine emballée que personne ne maîtrise. La science fait des bonds en avant, sans égard aux conséquences que les gouvernements s'efforcent ensuite d'adoucir. Les multi-nationales n'obéissent plus à personne, les Etats se renferment au mieux sur leur égoîsme, au pire sur leur désir de puissance. Le populisme avec ses fausses solutions flotte dans l'air du temps, les fanatismes ont remplacé les rêves des utopistes.
Le monde n'était certes pas meilleur avant, et il vaut mieux être français aujourd'hui qu'hier et avant-hier. Mais la vitesse des changements a rendu obsolètes les voies rassurantes des trentes glorieuses, rendant l'avenir bien incertain.