Car quel autre intérêt de cette fusion que de permettre aux Pinault une sortie à bon compte de la Fnac?
On met en avant bien sûr les éternelles économies d'échelles, parfois réelles, le plus souvent non concrétisées. Car à l'inverse, ces fusions entre géants à la culture d'entreprise forte ne sont jamais faciles. La fusion des informatiques est un immense défi, la lourdeur de la nouvelle organisation freine les prises de décision, les confrontations entre aborbants et absorbés créent des traumatismes et vexations qui portent atteinte à la motivation des salariés, le mélange des marques ou enseignes ôte de la clarté aux clients.
Mais admettons quand même que la fusion soit le bon choix stratégique, de ceux qui assurent l'avenir à long terme des entreprises.
Que dire alors de la vente par Pinault de ses parts à un géant allemand du secteur, avant que cette stratégie ait vraiment commencé un début d'exécution? Ceconomy, le repreneur, acteur majeur du secteur en Allemagne, aura bien sûr sa propre stratégie, qui ne sera pas nécessairement de fusionner Fnac et Darty, pour sauver la peau de la première au risque de couler la seconde.
L'opération de fusion Fnac-Darty est un bon coup pour Pinault, un bon coup financier qui a fait rebondir le cours en bourse et lui offert une porte de sortie inespérée. Ce n'est en aucun cas un acte de stratégie industrielle.
C'est au nouvel actionnaire de prendre les décisions qui assureront l'avenir de Fnac et de Darty. Ses expériences françaises n'incitent pas à un particulier optimisme, surtout quand on connait le destin de bien d'entreprises reprises par des grands groupes.
L'avenir confirmera ou infirmera. En attendant, les salariés vendus comme chair à canon prieront pour que les nouveaux managers ne jettent pas le bébé avec l'eau du bain, et sauront prendre leur temps pour prendre la bonne mesure de deux entreprises qui ont un long passé, une culture forte, et une image auprès de leurs clients qui ont assuré leur existence jusqu'à aujourd'hui.
On sait depuis longtemps que l'intérêt bien compris des actionnaires n'est pas nécessairement celui des salariés et des clients. Il l'est même sans doute rarement, des études sur les conséquences des rachats et ventes d'entreprises seraient intéressantes.
Les intérêts de la famille Pinault sont saufs, tant mieux pour elle. Ceux des salariés ne le sont toujours pas. Le capitalisme est dur pour les petits, ou les moins puissants, ou les moins riches. Le pouvoir n'appartient pas à ceux qui font ou qui ont le savoir. Il est à ceux qui ont la puissance financière et le moins de scrupules.