On a vu récemment sur France 2 des préparateurs de commandes chez Leclerc Drive être payés 1140€ net par mois, pour six heures de boulot par jour, six jours sur 7, plus de 20 commandes par jour, marqués à la culotte par une troupe de petits-chefs eux-mêmes sous pression par des cadres en col blanc, transportant plusieurs tonnes de marchandises par jour. On n'est pas loin de l'esclavage, et des rémunérations de misère décrites par Karl Marx au milieu du XIXème siècle, permettant tout juste la survie.
Même avec de l'imagination, on a du mal à imaginer comment il est possible de vivre avec un tel salaire, quand il faut se loger, se transporter, s'habiller, manger. Sans même penser aux loisirs, vacances, voitures.
Depuis des années, les cadres ont vu leurs rémunérations exploser, boostées par les bonus, parts variables, actions gratuites et stock-options. On a vus celles des grands patrons atteindre des dimensions astronomiques, certains ayant même l'indécence de recevoir de l'argent avant même d'avoir pris leur poste, ou alors même qu'ils ont été virés pour incompétence. Pour eux, grands patrons parfois parachutés, ignorant tout du fonctionnement de l'entreprise, vivant dans l'opulence et la terreur qu'ils impriment aux autres, rémunérations mirifiques et indécentes, révélatrices d'un ego pathologiquement surdimensionné. Combien a accumulé le pdg d'Alsthom pour finalement vendre la boite à des américains, qui non seulement n'y procèdent pas aux investissements promis, mais encore vont probablement la vendre au plus offrant pour éviter leur faillite. Pour l'armée des sans-grades pourtant indispensables à l'existence même de l'entreprise, des salaires de misère, qui permettent tout juste d'être au dessus du seuil de pauvreté.
Si on ajoute que le smic est souvent lié au temps partiel, et aussi à la durée déterminée, parfois très courte, il y a là toute une main d'oeuvre sous-rémunérée, pas si éloignée des ouvriers agricoles d'antan ou des exploités du XIXème siècle. Si on considére que les smicards sont les premiers concernés par les délocalisations, fermetures d'usines, plans de restructuration, modernisation et autres plans dégueulasses qu'on apprend dorénavant dans les écoles de commerce, on voit que la condition des bas salariés n'est pas bien loin de celle des esclaves des temps passés.
Quel est le patron, le cadre dirrigeant, ou simplement supérieur, ou même ordinaire, qui accepterait pour 1140€ par mois de passer 8 heures par jour sur un chantier de construction, ou dans les bouchons au volant d'un camion pour livrer colis et bouffes, subissant qui plus est la pression de petits chefs sans complaisance et sans manières?
Qui parmi ceux-là arriveraient à vivre avec 1140€ par mois? Et si on lançait une vaste expérience "vis ma vie", à l'échelle du pays ? Sans doute que nos élites en col blanc changeraient de regard sur ces métiers dits peu qualifiés, et pourtant tout aussi indispensables que les autres.