Les initiés, par Thomas Bronnec

Le 26/07/2015

Dans Humeurs

Inities
Journaliste, Thomas Bronnec a exploré pendant de nombreuses années les arcanes du Ministère des Finances. Avec Laurent Fargues, il a écrit en 2011 une enquête "Bercy au coeur du pouvoir" (Denoël).
Il nous propose ici un roman, paru chez Gallimard dans la collection "série noire". 
La gauche est revenue au pouvoir ...

... Bercy a à sa tête une amie du président, un tantinet gauchiste et, travers plus important, idéaliste. Le Crédit Parisien, plus grande banque d'Europe, est en difficultés. Il a perdu la confiance des marchés, qui risquent de ne plus vouloir lui prêter, pouvant causer la faillite de la banque, avec les incommensurables conséquences que cela peut avoir. La Ministre veut faire payer la banque en contrepartie de l'aide de l'Etat. La banque est dirigée par Antoine Fertel, brillantissime banquier, peu scrupuleux, qui considére que l'intérêt de sa banque et celui de l'Etat ne font qu'un. Entre un président (de la république) à la vision politique excerbée, une administration convenue, disciplinée et peu créative, assurée de sa pérennité face à des politiciens qui passent, et un banquier surpuissant, manipulateur voire corrupteur s'il le faut, la Ministre va découvrir la relativité de son pouvoir.
Thomas Bronnec nous fait pénetrer dans ce monde feutré et d'une cruauté inouie, où tout le monde se fréquente parce qu'issu du même sérail, où on se trahit pour sauver sa place et sa carrière, où le sens de l'Etat cohabite avec l'ambition et la cupidité.
L'intrigue naît du suicide de deux jeunes et brillantes inspectrices des Finances. Elles avaient été chargées de rédiger un rapport sur la manière dont les banques avaient été aidées suite à la crise de 2008. Idéaliste, l'une d'entre comprendra trop tard que personne ne veut qu'elle dise la vérité, et que le rapport demandé n'a pour finalité que d'enterrer définitivement les questions qui pourraient être soulevées. Elle se suicidera. Et des années plus tard, la seconde rédactrice, que l'on croyait morte elle aussi, se suicide en se jetant du toit de Bercy.
Le scénario fait entrer le livre dans la catégorie des romans policiers. Sa lecture en a peut-être été réduite, et c'est dommage. 
Car Thomas Bronnec nous fait découvrir le monde fascinant de la politique et du pouvoir. Le politique souhaiterait dompter ce monde de la finance, surpuissant et arrogant, qui appelle l'Etat au secours quand ça va mal, mais qui lui interdit toute intervention quand ça va bien, au nom de la mondialisation et de la concurrence. Mais le pouvoir des politiques n'est pas si grand, face à une administration pérenne, sûre de son bon droit parce que supposée agir pour l'intérêt général, experte et expérimentée. Les grands directeurs viennent du même sérail que les patrons de banque et directeurs de cabinet, ont la même vision de l'économie. Quel est alors le pouvoir d'une Ministre des Finances qui veut encore croire aux promesses électorales?
La question soulevée par ce livre qui se lit effectivement comme un roman policier est bien celle de la localisation du pouvoir.
Et si le pouvoir des politiques n'était plus que celui de plier face aux réalités de la mondialisation et de la technocratie, ou se démettre !