dont les fruits se retrouveront sur tous les marchés de la planète. Ainsi certains pays d'Asie détruisent-ils des milliers d'hectares de mangroves pour élever industriellement des crevettes qui garniront les assiettes du monde entier. Ainsi des élevages de plusieurs milliers de bêtes permettent-ils de produire une viande à bas coûts, qui va mettre à bas les élevages traditionnels qui auront opté pour une production de meilleure qualité. On pourrait évoquer l'huile de palme, la sidérurgie, le textile et habillement ...
Avec la mondialisation, la spécialisation atteint une dimension critique.
Elle menace la santé économique des régions et des pays autant que l'équilibre environnemental.
Les économistes libéraux du XXème siècle l'avaient dit, l'entreprise n'aime pas la concurrence, et n'a de cesse de la tuer pour être en position de monopole ou oligopole. Et ainsi de pouvoir fixer les prix à sa guise pour accroître les profits.
Quand la France était un ensemble de régions, chacune protégée par des barrières douanières, on fabriquait tout partout. Le vin de l'Ile de France coulait dans les tavernes parisiennes, le blé poussait partout, les forges et la petite métallurgie ornaient la campagne. Quand le marché français s'est ouvert, la céréale de la Beauce et de la Brie a balayé celle des autres régions, la vigne du Languedoc a envoyé aux oubliettes celle de l'Ile de France, la sidérurgie du Nord et de l'Est, proche des bassins charbonniers, a périmé les ateliers des campagnes.
Cela se passe dorénavant à l'échelle de l'Europe et aussi et surtout du monde.
Forte d'une main d'oeuvre bon marché, abondante et sans protection, la Chine est devenue l'usine du monde. Avec la double conséquence d'une baisse des prix et de la dispartion de pans entiers de l'industrie dans les pays riches.
Il faut ajouter l'effet néfaste sur l'environnement des énormes complexes industriels dont le fonds de commerce est le monde entier.
Tous comptes faits, le bilan de cette évolution n'est certainement pas favorable. Certes on peut manger toute l'année des crevettes à Limoges. Certes on peut s'habiller d'un t-shirt à 5€. Mais si les crevettes de Thaïlande ont créé le chômage de pêcheurs français, si leurs gigantesques élevages sont générateurs de risques sanitaires et environnementaux (la disparition de mangroves aurait accru les effets des raz de marée), alors ne doit-on pas s'interroger sur le sens de l'évolution du monde ?
Le prix à payer pour manger des crevettes pas chères à Limoges douze mois sur douze en vaut-il la chandelle ? Cette course effrénée aux prix bas pour que nous puissions consommer plus et plus, au prix de la disparition de nos emplois, a-t-elle encore un sens?
La réponse ne viendra pas des politiques qui ont le nez dans le guidon, ne sont au pouvoir que de passage, et dans la réaction plus que dans la proaction. Elle ne viendra pas davantage des grandes entreprises, dont le pouvoir dépasse celui des Etats, et qui veulent nous faire croire qu'elles sont condamnées à croître pour ne pas mourrir. Mais où sont nos intellectuels à même de susciter les bonnes prises de conscience? Où sont les voix des consommateurs, qui ont le choix de ne pas manger n'importe quoi, fait par n'importe qui, dans n'importe quelles conditions ? Où sont les citoyens qui ne réagissent plus quand les entreprises disparaissent sous l'effet de concurrents déloyaux, les privant d'emplois pour eux et leurs enfants ? Les organisations syndicales sont moribondes, la Presse est aux mains de la Finance, et quand elle soulève un lièvre, elle publie un article choc et passe trop vite à autre chose.
Avec le profit comme seul moteur d'activité et les marchés comme seuls juges de paix, le monde va dans le mur. Ceux qui en ont conscience crient dans le désert, beaucoup d'Etats quand même en ont-ils conscience, ne veulent pas prendre les bonnes mesures pour ne pas tuer leur croissance !