Tant va la cruche à l'eau ...

Le 16/02/2025

Dans Humeurs

Il est intelligent, jeune, éduqué et cultivé, ambitieux et se voulant visionnaire, autant de conditions nécessaires pour atteindre la dimension de chef d'Etat, mais pas encore suffisantes.

Trop c'est trop, tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse! On ne peut pas être chef d'Etat, ministre, président de quoi que ce soit sans détenir une bonne dose d'orgueil. Mais elle ne doit pas submerger la personne au point de lui faire perdre tout bon sens, et au risque de la faire devenir aveugle, pire, autiste.

Quand Emmanuel Macron totalement habité et proche de l'hystérie hurlait  "c'est notre projet" devant un public subjugué,  on pouvait se dire, avec un peu d'appréhension tout de même, qu'il était excessif mais avait des convictions. Arrivé au moment opportun après des attentats terroristes effroyables et un président Hollande jugé à tort faible parce que normal, on se se disait qu'un président fort et s'affichant visionnaire pouvait être une bonne chose pour la France.
Sa volonté de casser les codes, de briser les clivages politiques traditionnels, d'envoyer au placard les distinctions droite gauche jugées archaïques, d'infuser sur une France narcissique et pessimiste le souffle du modernisme, de promouvoir les technologies modernes pour maintenir la compétitivité de cette France frileuse et vieillissante, répondait à une demande d'une partie de la population.    

On a commencé à douter quand Emmanuel Macron s'est mis à évoquer un pouvoir "jupitérien", comme si la France n'était pas une république démocratique dotée d'une constitution fixant et limitant les pouvoirs des institutions qui la composent !
On a eu peur quand on a suivi le nouveau président marchant seul dans la cour Napoléon du Louvre, arrivant devant ses fans au terme d'une longue et théâtrale marche solitaire. 
Quel orgueil il faut pour choisir de parader ainsi, et se mettre en scène tout seul avec force symboles pour apparaître tel un sauveur!
On a su quand ses premières décisions politiques ont été la suppression de l'impôt sur la fortune, la limitation des indemnités de licenciement et du droit du travail, les allègements fiscaux et sociaux en faveur des entreprises.
 

La caisse sur le trottoir

Gonflé par une confiance en soi exceptionnelle, il a mis en place une politique à sens unique, dite de l'offre, visant à améliorer la compétitivité des entreprises, à juste raison peut-être, mais en faisant fi des dégâts causés aux plus faibles. Avec l'explosion des gilets jaunes puis la crise du covid, il a mis la caisse sur le trottoir, acceptant que l'Etat se substitue aux entreprises défaillantes dans l'octroi de salaires décents, puis, pendant le covid, qu'il compense le chiffre d'affaires diminué par des clients empêchés.
La démagogie n'a pas été absente de ces largesses, qui n'ont pas cessé avec la fin du covid comme dans les autres pays d'Europe, conduisant la France dans la situation financière inquiétante qui en fait le cancre de l'Europe. 
De tout cela, l'opininion n'aura retenu que l'orgueil démesuré d'un homme perçu comme arrogant, orienté économie et soutien des puissants, au point de devenir le président le plus impopulaire de la cinquième république

Macron n'a pas su convaincre

 

Nul ne sait ce que l'Histoire retiendra d'Emamnuel Macron.
Elle rappelera sa vision d'une Europe forte, de relations déculpabilisées avec l'Afrique, d'une volonté de réconcilier les français en abattant les clivages politiques traditionnels.
Mais il y a loin de l'intention aux actes, et sur tous ces sujets on peut affirmer que le président français a échoué.
En France, loin de réduire les clivages, une dissolution hasardeuse de l'Assemblée Nationale a renvoyé la France aux pires moments  des républiques précédentes. Gauche et droite, comme droite et doite, et gauche et gauche, se haïssent et montrent leur incapacité à "lever l'intérêt du pays au-dessus des querelles et ambitions partisanes. Comble, l'extrême droite est aux portes du pouvoir!
Partagé entre efficacité économique et démagogie, il a laissé filer les finances publiques et l'endettement au motif que la France est un grand pays qui attirera toujours les prêteurs. C'est une faute majeure que paieront les générations futures, et qui rabaisse la position de la France en Europe.
En Europe, le volontarisme du président Macron n'a pas suffi à gommer ni le nationalisme de certains ni la préférence d'autres pour le parapluie américain, et cela malgré Trump et l'agression russe contre l'Ukraine. Le président français n'en porte pas seul la responsabilité bien sûr, mais c'était lui qui portait les ambitions européennes les plus fortes. Il n'a su ni séduire ni convaincre, et ses échecs en France ont parachevé de lui faire perdre la crédibilité qui pouvait lui rester.
En Afrique, il se faisait fort de faire oublier la franceafrique pour établir des relations saines et égales, au prix même d'un mea culpa colonial auquel seule la France a consenti parmi tous les ex-pays coloniaux du monde. Loin d'apaiser les relations, tous les pays francophones ont renvoyé en France les militaires français qui étaient présumés les assister, et la Russie et la Chine sont  les nouveaux (faux) amis de l'Afrique.

 

Beaucoup de ces échecs sont dus en tout ou en partie à l'arrogance d'un jeune président à qui tout a réussi trop vite. Il a cru pouvoir amadouer Poutine et Trump, qui l'ont baladé. Il a cru pouvoir apaiser les colères populaires en allant prêcher sa bonne parole devant des salles provinciales au public acquis. Il a préféré écouter des conseillers de l'ombre, plutôt que ses ministres et vrais soutiens, et encore aujourd'hui il soutient du bout des lèvres un premier ministre qu'il a pourtant nommé, et dont l'échec lui ouvrira la démission comme seule voie possible.

Le chemin est étroit entre trop et pas assez d'ego. Macron n'aura pas su trouver le bon équilibre, trop sûr de lui, trop seul, trop arrogant, il a échoué à s'élever à la hauteur d'un vrai chef d'Etat.