Pitoyable

Le 06/04/2016

Dans Humeurs

Le soufflet des "Panama papers" n'est pas encore retombé, et "Cash Investigations", la très bonne émission d'enqêtes de FR2 présentée  par Elise Lucet, lui a donné un retentissement inédit. Indignons-nous encore avant que la résignation ne nous gagne à nouveau de ces pitoyables humains pilleurs et tricheurs. 

Balkany, Rothschild, Platini, FN et les autres

Pitoyable Balkany, arrogant et suffisant, qui interrogé alors qu'il se pavanait au stade pour regarder les basketteurs n'a su que montrer ses dents blanches, précisant qu'il ne parlait pas aux journalistes.
Pitoyable la baronne de Rothschild, présidente de la Cie Financière Edmond du même nom, qui joue l'étonnée quand on lui dit que les centaines de sociétés écran créées à l'initiative de son groupe auraient pour but l'évasion fiscale et le blanchiment.
Pitoyables Philippeau et Le Pen qui jouent les victimes quand ils sont soupçonnés de fraude, oubliant que tout l'argent dont dispose le FN est douteux, de la fortune opportunément héritée de Jean-Marie aux prêts de banques russes.
Pitoyable la SG, dans le Top 5 des banques complices, et qui refuse de participer au débat. 
Pitoyable, et odieux, Atajon, ce pdg de Montélimar qui en même temps qu'il met à la rue 37 salariés, camoufle 24 millions d'euros dans un paradis fiscal. Lâche, ce même pdg qui commence par nier l'évidence, avant de la reconnaître par nécessité, et qui refuse lui aussi la confrontation.
Pitoyable Platini, engraissé par le fric douteux planqué derrière des sociétés écran.
Pitoyable Patrick Drahi, seulement cité, qui nous vient d'on ne sait où et dont la réussite et la fortune ont été permises par les milliers de licenciements qui ont suivi chacune de ses acquisitions.
Pitoyable Michel Sapin, qui refuse de voir que pas grand-chose n'a changé dans les manoeuvres de camouflage des riches, sauf leur sophistication croissante. Pitoyable quand il feint de croire que la signature d'un accord d'échange  d'information suffit à mettre fin à cette triche, que 4 ou 5 pays seulement seraient voyous, que l'activité de gestion privée des banques est innocente.

Et maintenant ?

Sapin nous dit avoir fait les gros yeux au dg de la SG. Oudéa a dû avoir bien peur, car il s'est engagé à la transparence sur ces pratiques de sociétés offshore à partir du Luxembourg !
Mais est-ce que Sapin et les autres se posent la question de la raison d'être de la banque de gestion privée? L'activité de gestion de fortune est aussi vieille que la banque. Mais depuis une bonne vingtaine d'années, elle a pris un élan colossal, en s'internationalisant et devenant la troisième branche de la banque universelle, avec la banque de détail et celle d'investissement.
Pourquoi croit-on que SG, BNPP, CA et les autres ont des filiales et succursales en Suisse, Luxembourg, Monaco, Singapour, Hong-Kong ... Pourquoi des riches clients ouvrent-ils des comptes et des sociétés écrans dans les réseaux amis de ces banques, si ce n'est pour échapper au fisc ou blanchir l'argent de la corruption ou de trafics ?
Oudéa annonce la transparence. Seulement une banque peut aider un client sans qu'elle apparaisse jamais dans le circuit. Des cabinets d'avocats complices créent les sociétés, ouvrent les comptes bancaires, placent l'argent dans les fonds gérés par la banque.


 

Et après ?

Si on veut chasser ce genre de manoeuvres, il faut développer une cartographie complète des valeurs mobilières et des fonds d'investissement, sorte d'immense cadastre à l'échelle mondiale, qui permettrait de savoir qui détient quoi et où. Resterait ensuite à aller enquêter pour savoir qui se cache derrière les propriétaires officiels. Qui est prêt à cela?
Il faut aussi durcir la position de l'Etat envers les banques. Face aux armées d'experts financiers, juridiques, informatiques, l'Etat est démuni. Il doit accepter le rôle des lanceurs d'alerte, et pourquoi pas, l'encourager. Les banques, cabinets d'avocats, clients tricheurs, pourraient voire leurs méfaits afficher sur la place publique. Les banques pourraient recevoir un rating déontologique, comme elles ont une note financière. Les sanctions devraient être suffisamment lourdes pour décourager les récidives.
Enfin le public, les clients, les citoyens, doivent s'écarter des brebis à la réputation douteuse, et exercer la pression permise par leur qualité de client. Le pouvoir consumériste est mort-né dans nos sociétés capitalistes, c'est de lui pourtant que le salut pourrait venir.
Gageons que les Panama papers subiront le même sort que les UBS et LuxLeaks, enterrées sous les épaisses couches de la résignation. Quelques textes réglementaires viendront tout au plus gonfler l'arsenal existant, que nos as du droit et de la finance n'auront pas de peine à contourner. Et la triche continuera comme avant, dans le meilleur des mondes capitalistes possible.