On voit dans le cimetière presque plus de chapelles que de pierres tombales. Beaucoup sont abandonnées, livrées à l'oubli puis à l'usure du temps, pierre érodée, inscriptions invisibles, portes ouvertes et bancales. La plupart de ces chapelles ont été érigées au XIXème siècle ou début XXème. Nombre d'entre elles ne voient plus aucun visiteur depuis longtemps. N'est-ce pas là la mort définitive, quand il n'y a plus personne sur terre pour penser à vous ?
Beaucoup de ces monuments sont richement décorés, voire ostentatoires. Ils sont le signe de personnages importants en leur temps, ou qui croyaient l'être, et qui ont voulu que le postérité le croit aussi. Certains ont réussi à résister quelques décennies à l'oubli, et c'est une vraie émotion que de découvrir, au détour des allées ou en suivant le plan, les tombes de Balzac, Eluard, Héloïse et Abélard, et tous les autres.
Pourquoi tant de riches ornements, sculptures, bustes et statues, vitraux, portes ciselées, plaques honorifiques? Certaines chapelles sont de véritables mausolées. Volonté de garder une trace, de maintenir le souvenir, de se donner l’illusion de l’immortalité ? Ultime lutte contre l’oubli ? Contre la mort ?
Et pourquoi ce regard différent, aujourd'hui? Cela ne serait-il pas lié au déclin de la religion chrétienne? Au poids grandissant de la raison, qui nous rend sceptiques face à la croyance en la vie éternelle qu’espéraient nos ancêtres, et qui, peut-être, les poussait à l’érection d’œuvres matérielles du souvenir, trait d’union entre le monde terrestre et celui des âmes ?